Le 25 septembre dernier, Gang Eui-suck, lycéen âgé de 18 ans, a mis fin à une grève de la faim entamée quarante-cinq jours plus tôt. Le lycée où il est scolarisé à Séoul, le lycée Daekwang, a annoncé que ses revendications étaient satisfaites et que, désormais, lui et les 1.400 élèves de l’établissement seraient libres de prendre part ou de ne pas prendre part aux activités religieuses organisées dans la chapelle du lycée. Etablissement d’enseignement sous tutelle d’une Eglise protestante, le lycée Daekwang imposait jusqu’alors à ses élèves la participation à la prière quotidienne.
Commentant le 5 octobre la décision de la direction du lycée, Gang Eui-suck a déclaré que ses revendications ne portaient pas sur la religion en tant que telle mais sur l’obligation faite aux élèves de participer à des activités religieuses, obligation contre laquelle ils ne pouvaient rien dire. « Dans mon lycée, chaque semaine, nous devons être à la chapelle durant une heure et écouter une prédication d’une heure. De plus, chaque matin, un service religieux de cinq à dix minutes est organisé et nous sommes tenus d’y assister. Nous sommes obligés de participer à toutes ces activités et chacun doit prier à haute voix », a-t-il expliqué. Issu d’une famille où seul le père déclare professer une religion – en l’occurrence le protestantisme -, Gang Eui-suck a ajouté que son école et les autres écoles sous tutelle religieuse dans le pays allaient désormais proposer des alternatives à ceux de leurs élèves qui choisiront de ne pas assister aux activités religieuses.
Dans le système éducatif coréen, chaque élève est inscrit dans une école en fonction de critères liés à la proximité géographique et aux résultats scolaires. La tutelle religieuse de l’école désignée n’est pas prise en compte. Selon le ministère de l’Education, le pays compte 236 lycées sous tutelle religieuse, scolarisant 232.860 élèves; 37% de ces élèves partagent la même religion que celle de leur école, 25% ont une religion différente de celle de leur école et les 38% restant déclarent ne pas professer de religion. Sur un total de 2.031 lycées dans le pays, 46% sont gérés par le secteur privé.
Le 5 octobre, le Réseau citoyen pour la liberté religieuse dans les écoles, organisation formée par seize ONG pour soutenir Gang Eui-suck, a estimé que le résultat auquel était parvenu le lycéen était un pas en avant vers plus de liberté dans le pays et l’a remercié pour avoir risqué sa vie dans cette entreprise. Gang Eui-suck est passé de 77 à 50 kg à l’issue de sa grève de la faim et est sorti le 1er octobre de l’hôpital où il avait été transféré. « Avec le cas de Gang, l’assistance obligatoire à la chapelle dans une école religieuse privée a été supprimée mais nombreux sont les établissements, y compris parmi les principales universités du pays, à maintenir de pareilles obligations », a souligné le vice-président du Réseau citoyen.
Du côté des enseignants, le Syndicat des enseignants et des professionnels de l’éducation a estimé que la décision de la direction du lycée Daekwang était « très significative » et que cette dernière avait agi par égard à l’état de santé de Gang Eui-suck, dans une attitude de respect de la vie humaine qui transcende les différences d’appartenance ou de croyance religieuse.
Pour le secrétaire de l’Association des fondations catholiques d’éducation, le frère Jean Vianney Ahn Byeong-cho, la décision du lycée protestant rappelle que les droits individuels des élèves doivent être respectés mais souligne également qu’une « école de mission » a le droit et le devoir de poursuivre son œuvre missionnaire. « Je reconnais qu’une certaine pression existe dans les écoles catholiques pour assister aux activités religieuses mais celle-ci est acceptable et acceptée par la plupart des élèves », a-t-il précisé.
Gang Eui-suck avait commencé son mouvement de protestation à la mi-juin dernier en exprimant son point de vue sur le réseau de haut-parleurs de son lycée. La direction de l’établissement lui avait alors proposé d’être transféré dans un autre lycée, proposition rejetée par Gang Eui-suck. Rayé des listes de l’école, Gang Eui-suck porta plainte auprès de la Commission nationale pour les droits de l’homme et fut réintégré sur les listes de son lycée par une décision de justice à la fin du mois d’août. La direction lui proposa alors à titre individuel la liberté d’assister ou non aux activités religieuses organisées dans la chapelle, offre déclinée par le jeune homme qui exigeait que l’offre soit étendue à tous les lycéens.
Cet article est paru dans le N° 405 (16 octobre 2004) du bimensuel Eglises d’Asie, publié par les Missions Etrangères de Paris.
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